Après une très longue absence, le retour de Rocksteady Studios sur le devant de la scène est maintenant imminent. Un comeback qui a mis en joie des millions de joueurs jusqu’à ce qu’on apprenne que Suicide Squad Kill the Justice League allait être un jeu service. Dernièrement, les développeurs se sont voulus rassurants en promettant que les éléments qui sont au cœur de l’ADN du studio, l’histoire et les personnages, ne seraient pas mis de côté. La promesse sera-t-elle tenue ? On a pu se lancer en solo pour une série de tutoriels, avant de passer de découvrir le jeu en multi qui représente une part non négligeable de l'expérience…

Une vraie narration à la Batman Arkham ? 

Les événements de Suicide Squad Kill the Justice League se déroulent cinq ans après ceux de Batman Arkham Knight. On est catapulté dans la ville lumineuse de Metropolis, non loin de la sombre Gotham, qui perd rapidement de sa superbe après le siège de Brainiac. L’un des ennemis jurés de Superman qui a utilisé ses pouvoirs psychiques pour asservir la population et contrôler la Justice League. Une domination inquiétante qui pourrait conduire à la disparition de la Terre, sauf si une équipe de choc parvient à arrêter Brainiac et ses nouveaux pantins surpuissants. Une seule solution pour réussir cette mission impossible : former un escadron suicide, la Task Force X, avec des criminels redoutables qui étaient condamnées à mourir en prison et qui peuvent donc se permettre de tout risquer. Un groupe composé de King Shark, Boomerang, Deadshot et Harley Quinn, qui apprend à vivre sans son poussin. 

Cette fois, le joueur n’est pas cantonné qu’à la simple perspective de Batou, et incarne en plus une bande d’anti-héros aux antipodes du Chevalier Noir. « Au niveau scénario, il y a beaucoup d'opportunités, surtout qu'ils sont tous complètement fous. Il y a de la place pour faire quelque chose d'assez humoristique en ayant ce que j’appelle un contraste sunshine noir. C'est le contraste entre quelque chose de très grave, une invasion intergalactique, et des marginaux qui sont en train de se tirer la bourre pour essayer de tuer la Justice League. C'est un peu ce contraste qui est intéressant, et comment on suit ces personnages qui vont apprendre à bosser ensemble pour essayer de sauver la planète et tuer la Justice League », nous raconte David Hego, responsable artistique chez Rocksteady Studios. 

suicide squad kill the justice league preview

Pour celles et ceux qui se poseraient la question, Paul Dini (Batman, la série animée) qui était à l'œuvre sur Batman Arkham et Batman Arkham City, n’est plus du tout impliqué. L’écriture du scénario est supervisée par Ben Schroder (Horizon Zero Dawn, Deus Ex Mankind Divided) qui échange avec Warner et DC - comme le reste du studio - pour soumettre des idées tout en respectant « une ligne directrice propre à DC ». Pourquoi insister sur l’histoire alors qu'on parle d’un jeu service qui délaisse justement souvent l’aspect narratif ? Parce que le récit, pour ce qu’on en a vu pour l’instant, est bien au coeur de Suicide Squad Kill the Justice League. Et pas besoin de se forcer à lire des kilomètres de documents dans un codex, tout est narré par le biais de cinématiques à la Batman Arkham. On ressent de suite la patte Rocksteady dans la mise en scène, et il faut avouer que c’est un grand soulagement pour nous tant le studio a prouvé son talent dans le domaine à plusieurs reprises et que c’était l’une de nos plus grosses craintes. À savoir qu’ils se contentent du strict minimum pour aller à fond dans le jeu service. 

Maintenant, on tient également à être prudent par expérience. On se rappelle encore de Marvel’s Avengers qui jouait la carte du jeu très narratif au début, avant de négliger cette dimension à mi-parcours pour embrasser toutes les tares du GaaS (Game as a Service). Néanmoins, ça ne semble vraiment pas être le cas ici, donc on croise les doigts pour que cette abondance de narration ne s'effiloche pas après quelques heures de jeu. L’autre promesse de Suicide Squad Kill the Justice League, c’est de continuer à développer une galerie de personnages qui seront une réimagination des originaux. « Ce qui est marrant, c'est de pouvoir un peu réimaginer les personnages, leur donner un twist quand il faut. Parce que certains ont été créés il y a 75 ans, donc c'est bien d’un peu les dépoussiérer et de voir ce qu'on peut faire avec », ajoute David Hego. Pari réussi ? Encore une fois, sur toutes les séquences montrées on a aussi été très rassuré sur ce point. Ces têtes brûlées sont valorisées comme il faut et chacun d’eux a ainsi le temps d'exister à travers leurs actions et punchlines. 

suicide squad preview

Un membre de la Task Force X surclasse toutefois déjà très nettement tous les autres, Harley Quinn. On s’en doutait un peu mais ça risque bel et bien d’être la star du jeu avec cette faculté à voler la vedette à ses collègues même en étant hors champ ou sans prononcer le moindre mot. Ses mimiques, très vivantes grâce aux animations faciales réussies, suffisent à nous faire marrer. Elle est à la fois drôle, touchante et complètement dérangée. Un petit bonbon prêt à péter un câble à tout moment, et aller se fritter avec plus gros qu’elle dès que c’est possible. Mais si elle est aussi flamboyante, c’est également grâce à Tara Strong, l’actrice qui l’incarne depuis le regrettable décès d’Arleen Sorkin - la voix d’Harley Quinn dans Arkham Asylum et Batman The Animated Series. La doubleuse s’est pleinement appropriée le personnage depuis le temps et le prouve à nouveau ici. Avec une telle mise en avant, quid des autres protagonistes ? Il n’y a pas à priori pas de raison de s’inquiéter outre-mesure car le background de Deadshot, par exemple, sera aussi détaillé. 

La Harley Quinn de Suicide Squad a évolué depuis Arkham Knight. Elle a passé cinq ans en prison à l’asile d’Arkham. Pendant plusieurs années, elle a été un peu dans l’ombre de Joker, alors que maintenant, c'est vraiment un super vilain accompli. Elle est elle-même, elle n'est plus dans l'ombre de Joker. Il y a aussi toute une histoire derrière Deadshot qu’on avait déjà vu dans les précédents jeux.

David Hego, responsable artistique chez Rocksteady Studios.

Des propos alléchants, mais c’est à la fin du bal qu’on paie les musiciens, pas à l’entracte. À noter que, si on salue particulièrement la performance de Tara Strong, les acteurs de Boomerang, King Shark et Deadshot, font un excellent boulot. La VF qu’on a pu entendre nous a semblé solide, bien qu’elle n’égale pas la VO. En revanche, on a un gros bémol sur le comédien derrière Lex Luthor en version française. On ne révélera pas son identité, mais le timbre de voix ne correspond pas avec ce personnage et son chara design. Et puisqu’on en vient à aborder le sujet, on valide pleinement le rendu de la Task Force X, mais également le travail des artistes fourni sur la ville de Metropolis en elle-même. 

Une Metropolis resplendissante mais limitée ? 

Finies les rues malfamées de Gotham City ! Avec Suicide Squad Kill the Justice League, Rocksteady part dans la direction totalement opposée. « C'est vrai qu'après avoir bossé plusieurs années sur Batman, c'était assez intéressant de changer un peu la palette, de faire quelque chose de beaucoup plus clinquant. On dit que Gotham est une version nocturne de New York, tandis que Metropolis en serait plutôt sa variante diurne. Et on a poussé cet aspect beaucoup plus loin pour faire quelque chose de super ensoleillé ». Une ambiance différente pour une ville encore plus vaste et qui, si elle n’a pas le cachet de Gotham City, se révèle par endroits impressionnante. Observer le vaisseau crâne de Brainiac qui surplombe Metropolis, et certains immeubles hauts perchés, donnent une dimension saisissante à la cité assiégée. On se délecte du boulot réalisé sur l’architecture et on a hâte de voir la citadelle sous ses différents jours, mais aussi de s’attarder sur les divers détails et références glissées ici et là. Car oui, c’est le gros changement par rapport aux Batman Arkham, il y aura un cycle jour / nuit.  

suicide squad kill the justice league avis

« On a également un cycle jour-nuit et un système de météo qu’on a un peu modifié pour que le temps s’écoule plus vite. Quand il pleut, il y a toutes ces surfaces qui se réfléchissent. Le premier truc qu'on s'est dit, c'est qu'on allait faire quelque chose d'assez différent de Gotham City, mais en même temps garder le même esprit. C’est-à-dire qu’on voulait avoir une ville qui ait beaucoup de détails, et où lorsqu'on la traverse, on puisse découvrir plein de références à l'univers de DC Comics. Il y a plein de buildings comme le Daily Planet et d’autres choses, mais aussi des références aux jeux précédents ». Des clins d'œil plus ou moins appuyés, mais on n’a pas pu en savoir plus, David Hego préférant ne rien nous spoiler. 

Bien que le travail architectural soit indéniable, on a parfois été troublé par le manque de vie dans Metropolis. Alors oui, le scénario explique grandement cette absence d’animation dans la plupart des recoins de la ville, mais l’immersion est peut-être moins forte là où Gotham arrivait à nous attraper constamment, même sans avoir besoin d’aller chercher les ennuis. Ici, les ennemis étaient trop nombreux. À voir si cette impression se confirmera ou non lorsque l’on pourra se balader librement, sans pression et qu’on aura appris à apprivoiser la grande Metropolis. Et il faudra d’ailleurs bien se familiariser avec, dans la mesure où le terrain de jeu est agencé pour le gameplay et ses fondamentaux. « Metropolis est un endroit conçu pour la verticalité, la mobilité, la fusion unique des déplacements, des fusillades et du combat au corps à corps ».

Un gameplay acrobatique efficace pour la Suicide Squad ? 

Suicide Squad Kill the Justice League se différencie des précédentes productions Rocksteady Studios par l’importance du mouvement et de la verticalité. Dans sa globalité, hormis lors des déplacements pour parcourir la carte, les Batman Arkham étaient relativement ancrés au sol. Bien sûr, il y avait aussi un intérêt à s’élever et à revoir sa position pour éliminer ses ennemis discrètement, ou justement pour se faire oublier d’eux temporairement lorsqu’ils nous avaient repéré au cours de phases d’infiltration. Mais là, l’accent est réellement mis sur le mouvement, ce qui a une conséquence directe sur le rythme plus effréné de l’action. Plus on bouge et essaie de varier les attaques, en alternant tirs et coups au corps à corps, et plus le jeu nous le rend. Des dégâts infligés dans les airs et non au sol ne seront pas récompensés de la même façon. Idem si on prend d’abord soin de tirer dans les jambes d’un ennemi avant de réaliser une attaque spéciale pour régénérer notre bouclier, par exemple. 

suicide squad kill the justice league critique

Chaque membre de cet escadron de la mort a un moyen de déplacement qui lui est propre. Ça va du grappin dérobé à Batou, au jetpack, en passant par la Force véloce qui permet de se mouvoir très rapidement dans l’esprit de Flash. Ou dans le cas de King Shark, c’est le fait d’être simplement une force de la nature qui lui octroie une mobilité accrue et une puissance hors norme par rapport à ses camarades. Et les différences sont aussi forcément notables au niveau des profils de personnages. Avec son jetpack et son vol stationnaire, Deadshot nous a quelque part rappeler le javelin d’Anthem; King Shark peut faire très mal avec ses attaques tombées de « dix étages » et s’impose comme le tank de la bande ; Harley Quinn est idéale pour s’envoler rapidement dans les airs pour se sortir d’un traquenard, contourner des adversaires ou maximiser les dommages ; Boomerang surprend par ses ruées de vitesse au sol comme dans le ciel. Tous, sans exception, sont modulables par le biais de builds. Pour notre session en multi, on nous a par exemple offert le choix entre une Harley Quinn plus axée sur les dégâts à la grenade, sur un gameplay plus aérien ou au contraire plus au sol en poussant la mêlée avec des dommages électriques en bonus. Deadshot pourra quant à lui être personnalisé pour renforcer ses coups critiques, ainsi que ses tirs à la tête. Et ainsi de suite. 

En combat, on a donc la possibilité - même le devoir - de mélanger les tirs à distance et les attaques rapprochées avec divers types d’armes (fusil sniper ou d’assaut, batte de baseball ou couteaux…). Mais il y a un twist qui vient enrichir tout cela : le système de combos. Plus les enchaînements sont complexes, et plus on active de « Talents » qui sont les compétences de nos anti-héros. À partir de 10 combos avec Harley Quinn, on peut notamment donner des coups en inondant la zone des « HAHAHA » de Joker. De plus, il existe également un système d’afflictions pour infliger des attaques élémentaires (feu, glace…) qui repose sur une combinaison d’amorceurs (l’arme imbibée de l’élément) et de détonateurs (un tir) à la Anthem. On n’a évidemment pas eu le temps de saisir l’ampleur de la chose, mais ça montre que le jeu a un gameplay plutôt complet, efficace - bien qu’on soit partagé en termes des sensations - et qui devrait permettre de belles synergies en fonction des builds.

kill the justice preview

On avoue avoir eu très, très peur durant le tutoriel avec des ennemis complètement endormis, et à cause de déplacements et de tirs qui manquaient encore de patate. C’était mieux durant le segment à plusieurs, lorsque notre personnage était plus évolué, mais on ne peut s’empêcher d’avoir encore un doute à ce niveau à l’heure d’écrire ces lignes. Ça se joue probablement à rien, mais il est vrai qu’on aurait aimé un retour encore plus percutant de temps à autre. D’autant que les développeurs savent appuyer là où il faut, quand il faut, comme avec ce coup suicide qui permet d’achever l’ennemi avec un finish très stylisé à la Batman Arkham. Regarder Harley envoyer un coup de batte dans l’entrejambe d’un ennemi marche toujours très bien. De même, on a eu à plusieurs reprises des soucis de lisibilité en raison d’un nombre d’informations à l’écran trop important, parfois avec en plus des tas d’effets comme lors du combat contre Flash. Un affrontement assez rébarbatif d’ailleurs, et trop long pour pas grand chose, où il a fallu sans cesse jongler entre des tirs classiques et des « Contres de tir » qui peuvent être déclenchés lorsqu’on y est invité et qui permettent de profiter d’une fenêtre lorsque l’ennemi est étourdi.

Jeu solo, GaaS ou les deux ? 

On a gardé le meilleur pour la fin, ou le pire c’est selon, l’aspect jeu service. Et mauvaise nouvelle, oui, Suicide Squad Kill the Justice League en est bien un. C’était l’une de nos plus grosses appréhensions avant de mettre les mains dessus, et ça s’est donc confirmé. Attention, on est pas du tout hermétique au genre en lui-même, mais là, ce n’est pas rassurant. Contrairement à The Division 2 qui propose par moments des missions longues, avec un sentiment de progression presque comme dans un jeu solo finalement, le nouveau jeu de Rocksteady fait tout l’inverse. Le titre repose dans ses premières heures sur une succession de missions archi classiques avec des objectifs vus et revus. Sauver des piétons, sécuriser un fourgon, capturer des points pour les pirater ou en défendre d’autres, ce n’est pas palpitant pour un sou.

On a tout de même réussi à prendre du plaisir ici et là pour deux raisons. Même si on se pose encore des questions sur le gameplay, parce qu’on n’a pas totalement ce répondant à la Batman, on s’est amusé. Mais si on a évité de bailler devant ces tâches, c’est aussi parce qu’on était en multijoueur. On s’inquiète par conséquent que la sauce ne prenne pas en solo, malgré une narration apparemment travaillée et la promesse d'une expérience renouvelée « constamment » grâce à la possibilité de changer d’un personnage à l'autre à la volée. En multi, en revanche, chacun aura le sien, mais il pourra y avoir plusieurs fois le même. Au hasard, deux Harley Quinn. Quant au déroulement des parties en groupe justement, tout dépend de l’hôte, donc si vous n’êtes pas aussi avancé qu’un collègue, vous allez être pénalisés de facto.  

suicide squad kill the justice league premier test

Quand vous jouez en solo, vous pouvez changer de personnage comme vous voulez, les faire évoluer et créer différentes builds. Il y a néanmoins certaines missions où certains personnages sont préférés, enfin suggérés plutôt, parce que l’expérience monte plus vite. Et vous pouvez aussi aller en multi, et en plus, c’est crossplay. Donc vous pouvez commencer sur PS5 et aller sur Xbox par exemple.

David Hego, responsable artistique chez Rocksteady Studios.

Un Game as a Service qui continue au-delà des crédits et qui est là pour durer ? Oui et oui, même si le second point sera conditionné au succès du jeu bien entendu. Dans un premier temps, Rocksteady promet un endgame où les builds auront toute leur importance. « Il y a un système de niveau qui permet de monter en puissance et qui montre vraiment toute son envergure à la fin de l'histoire principale, quand on commence l’endgame. On continue à monter en puissance, avec des niveaux de tiers, donc il faut faire des builds de plus en plus puissantes, pour avoir des armes de mieux en mieux avec le loot qui est au cœur du système ». Pour le suivi, Suicide Squad Kill the Jusitce League a déjà une feuille de route pour la première année avec des contenus offerts (personnages jouables, nouvelles zones, armes…) et un système de saisons. Il y aura bien un Battle Pass avec un tiers gratuit et un tiers payant, mais qui sera seulement réservé au cosmétique. 

On attend Suicide Squad... parce qu'on croit en Rocksteady Studios

Cette prise en main de Suicide Squad Kill the Justice nous a en partie rassuré, après des trailers qui avaient pu soulever de nombreuses inquiétudes. Ce ne sera pas le désastre tant redouté par certains pour ce qu’on en a vu. La patte des créateurs de Batman Arkham transparaît dans la narration ainsi que la mise en scène. L’énergie dégagée par cet escadron suicide et le traitement des personnages fonctionnent, avec une Harley Quinn qui surclasse ses coéquipiers. On retrouve aussi la capacité de Rocksteady à offrir un gameplay efficace mais pas sans défaut. On a encore besoin de jouer plus longtemps pour savoir si le manque de punch relevé dans certains déplacements et affrontements sont bien réels, mais ça reste fun et visiblement assez complet. De même, on croise les doigts pour que les soucis de lisibilité ne soient pas légion, que les autres boss soient plus intéressants que Flash, et que la structure jeu service trop classique ne vienne pas entacher les efforts fournis par les développeurs. Ca peut être une bonne surprise, mais ça ne devrait pas se hisser au rang de référence ultime comme les jeux sur le Chevalier Noir.